sur les traces de ceux qui nous ont précédés

Quelques repères anthropologiques : l'habitat groupé et les métairies

Dans notre recherche de la façon dont les hommes et les femmes ont vécu sur le territoire de cette commune, le cadastre de 1811 a permis de mettre à jour la place occupée par de gros villages : la Barillière, la Greuzardière, la Recivière, la Poulfrière, la Rouaudière, la Morandière et le bourg de Mouzillon. Ces gros villages mettent en évidence une population qui a choisi un mode de vie collectif, avec un habitat aggloméré. Ce choix est probablement très ancien si on considère la façon dont les parcelles ont été partagées pendant des siècles, et encore partagées pour donner un patchwork cadastral, et en même temps comme une traduction des liens familiaux. Certains de ces villages portent des noms qui n'ont pas d'équivalent, qu'on ne retrouvent nul par ailleurs... comme si nous avions oublié la signification de ces noms.

Cet habitat aggloméré n'est pas propre à Mouzillon, on le trouve à proximité : la Dourie, la Guiltière, les Corbeillières.

La population de ces villages vit en majorité de ses activités agricoles et viticoles, mais, dès le XVIIème siècles apparaissent dans les registres des professions artisanales qui sont intégrées à la vie du village. Ils témoignent d'une vie collective, avec des interdépendances certaines.

Les feuillets de recensements permettent de voir la progression d'une forme de famille nucléaire tout au long du XIXème siècle en regardant le nombre d'habitants par maison. Ce nombre va en se réduisant progressivement. Cette série montre qu'en moins d'un siècles les mouzillonnais sont passés de 4,5 habitants par maison à 3,5.

Une première analyse attribuera cette évolution aux conditions matérielles qui permettent un peu plus d'espace pour chacun dans sa maison...

Une autre analyse se tournerait vers l'anthropologie, le mode de vie, l'image que ces habitants ont d'eux-mêmes, de leur famille... une famille de plus en plus limitée aux parents avec les enfants mineurs.

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Le cadastre a permis aussi de mettre en valeur de caractère égalitaire de ces familles. Les parents partageaient leurs champs, leurs vignes, leurs prés en parts égales entre leurs enfants, même s'il fallait séparer la parcelle en 3 ou 4 parcelles plus petites. Des petites exploitations agricoles étaient adaptées à des familles nucléaires (composées des parents et des enfants). Et au final cette population était assez égalitaire. De nombreux mariages associaient un homme et une femme de même condition, parfois du même village.

Un habitat dispersé s'est mis en place à côté de ces gros villages. Ce sont les métairies, citées dans les anciens registres. Parmi les plus caractéristiques, peuvent être cités le Pin, le Grand Plessix, l'Augerie, le Bois Rouaud, la Haie Pallet, la Gaudinière, la Coudorière, la Fréchotière, le Pontreau, Lozangère, Chaintre, Bois Pallet... Chaque métairie regroupe l'habitat de ceux qui y vivent et y travaillent. Cette population vit dans un habitat dispersée.

Plusieurs noms de ces métairies portent des consonances champêtres, végétales... qui peuvent rappeler la période de leur installation comme lieu de travail et de vie. Dans chacune de ces métairies, la vie est collective. Sont regroupées 2 ou 3 générations, des collatéraux et du personnel employé. Là se développe une vie familiale dont les liens sont forts en raison des travaux collectifs qui rythment les saisons et de la dépendance de tous face aux récoltes. En même temps apparait un chef d'exploitation et une forme d'inégalité dans la fratrie, à chaque génération. Ce système autoritaire et inégalitaire est renforcé par la système de propriété : cette population des métairies travaillent en fermage ou en métayage des terre qui appartiennent à un propriétaire, parfois noble.

A Mouzillon, vont se côtoyer ces deux types de population : celles des familles nucléaires, égalitaires, propriétaires et agglomérées et celles de familles plus complexes, inégalitaires, fermières et dispersées.

Quelques repères anthropologiques : La vigne et la révolution française

Au milieu du XVIIIème siècle, la plantation des villes à complant par les fermiers-métayés va concrétiser l'unité de cette population. La vigne est sa richesse et le signe de son unité. Tous vont chercher à acquérir leur terre et à en tirer le meilleur parti.

Aussi est-il permis d'émettre l'hypothèse que la population des gros villages avait bien accepté les principes de la révolution française marqués par l'égalité et la liberté. Les cahiers de doléance ne portent pas de revendications particulières. L'attachement au catholicisme romain est réel mais limité puisqu'en 1791 le curé de Mouzillon prête serment en faveur de la constitution civil du clergé et la communauté n'a laissé aucune trace de mécontentement.

En 1794, le refus de la conscription des jeunes hommes va prendre une tournure dramatique avec les 73 morts, tués par l'un ou l'autre des camps. Mais ces morts ne sont pas les victimes d'un seul camp. La violence, la division et l'insécurité ont profondément marqué les survivants.

Les indemnisations dont vont bénéficier les propriétaires après 1810 va laisser aussi des traces dans les vies collectives, familiales. La mémoire des morts devient culpabilisante et honteuse... finalement il ne reste que de vagues évocations sans tradition précise... Et tout le XIXème siècle peut être lu comme un mouvement pour unifier cette population : l'ancienne structure qu'est la paroisse va mobiliser la population avec les missions, les calvaires et la construction d'une nouvelle église; la nouvelle structure qu'est la commune va se donner une mairie, des écoles, des services publiques, des routes... En 1914 tous ceux qui furent mobilisés partirent au feu avec le soutien de leur famille : il ne fallait pas recommencer l'erreur de 1794 !

Les Mouzillonnais ne souhaitaient pas le retour à l'ancien régime, ni la royauté. Pourtant une première approche laisse penser qu'ils souhaitent un pouvoir fort : sous le second empire le conseil municipal va manifester à plusieurs reprises son attachement à Napoléon III. Après réflexion, cet attachement à Napoléon III révélait peut-être un autre enjeu. Napoléon III était le neveu de Napoléon 1er, celui qui avait indemnisé les maisons brulées en 1794... laissant dans le silence le sujet des déserteurs de 1792-1793 et 1794. Les Mouzillonnais plébiscitaient tout ce qui entretenait ce silence et cachait la culpabilité relative à ceux qui étaient morts.